J'espère que vous allez bien et que quelqu'un prendra le temps de lire ces mots, qui je suis sûre, peuvent permettre à une meilleure compréhension et analyse de soi.
Je vais témoigner mon vécu sous forme de scène narrative où Aily, personnage fictif, me représente et Tiago l'accompagne émotionnellement avec bienveillance.
« - Je suis venue au monde dans le silence. On m’a déposée dans une rue, abandonnée. Sans bras sûrs pour m’accueillir, sans regard pour me reconnaître, et de voix pour m’expliquer ce qui m’arrivait. Personne pour qui compter ou exister. Ou sur qui m'accrocher pour tenir solidement.
J’ai grandi dans un lieu d’attente, un orphelinat. Peut-être qu’il y avait des adultes bienveillants, parfois. Mais j'étais dans un cadre où les gestes n'étaient pas toujours doux. Où le soin existait effectivement, mais sans la tendresse qui rassure, sans la présence stable qui console.
Je ne me souviens pas des visages, ni des gestes. Mais mon corps, lui, se souvient, Tiago. De la faim, de l’insécurité, des marques. De cette façon dont on m’a déplacée, sans que je puisse comprendre ou choisir. Vers une vie nouvelle qui m’arrachait à ce que je connaissais.
Même si tout n’a pas été que souffrance… même si l’amour est venu ensuite… ce début de vie a laissé une trace silencieuse. Un réflexe de survie. Une vigilance extrême.
À chaque étape — l’abandon, l’orphelinat, l’adoption — je n’ai pas choisi. On a décidé pour moi. On m’a déplacée, confiée, gérée. Et aujourd’hui encore, certaines scènes rejouent ce schéma, comme l’hôpital, la convocation, ou les interventions. Des décisions prises à ma place, même avec bienveillance. Sans que je puisse dire si j’étais d’accord ou non. Et cela me ramène à cette impuissance absolue, à ce sentiment de ne plus être autrice de mon propre corps.
Je revis sans toujours le savoir cette époque où je n’avais ni pouvoir, ni voix, où mon corps était un territoire, exposé, vulnérable, sans réelle protection solide.
Tu sais, je n’ai jamais vraiment eu de place à moi. J’ai reçu de l’amour, du confort… mais j’en ai culpabilisé. Comme si c’était un privilège volé. Comme si aimer ou être aimée, c’était trahir ceux qui n’avaient rien eu. Alors enfant, j’ai cherché un sens à l’insensé. Un pourquoi… là où il n’y avait que l’abandon. J’ai transformé ma chance en faute, ma vie en dette, mon bonheur en trahison. Pour ne pas oublier ceux qui sont restés là-bas. Pour ne pas couper le lien avec ma blessure fondatrice. J’ai transformé ma survie… en faute.
Et puis, j’ai cru être une erreur, un déchet. Quelque chose qu’on ne veut pas signer. Alors j’ai retourné la douleur contre moi, en blessant mon corps. Parce que je croyais que vivre, c’était déjà trop. Que j’étais le mal que mes parents biologiques auraient rejeté.
Et aujourd’hui encore… j’ai mal d’avoir survécu.
J’ai sûrement fait une erreur, Tiago. En créant ce schéma de pensées négatives, en l’alimentant chaque jour, en y croyant un peu plus fort. Mais j’ai fait de mon mieux. J’étais qu’une enfant, en plein questionnement existentiel malgré son jeune âge. Qui avait besoin de réponses pour se rassurer.
J’en ai souffert, de grandir avec un début de vie enfoui. Avec des pièces de puzzle manquantes. Bien plus que je ne l’aurais imaginé.
Les paroles d'Aily me fendent le cœur.
- Ma belle, je ne vais pas chercher à te rassurer à tout prix. Ce que tu viens de poser là, c’est le poids de toute une vie. Et je le prends comme tel. Pas comme un moment de faiblesse, mais comme une vérité.
Laisse-moi te dire que ton droit à la vie ne dépend pas du choix de tes géniteurs ni des circonstances de ta naissance. Tu y as droit, tout simplement parce que tu es là. Parce que tu existes.
L’amour, le confort, le bonheur… ne sont pas des dettes, ni des fautes. Ils ne volent rien à personne. Tu n’as pas trahi les autres enfants de l’orphelinat en recevant. Tu as juste vécu. Et c’est une victoire, après ce qui t'est arrivé. Même si ça fait mal.
Tu portes un poids qui ne devrait pas être le tien, celui des décisions qu’on a prises pour toi, des gestes qu’on t’a imposés, des lieux où on t’a déplacée sans que tu puisses comprendre ou choisir. Je comprends. Et je ne cherche pas à effacer ces marques.
Mais Aily… tu n’es pas un déchet. Ni même une œuvre qu’on ne veut pas signer. Ces pensées, elles sont les échos de ta douleur. Elles ont pris racine dans ton besoin de comprendre l’incompréhensible, de mettre du sens là où il n’y avait que l’abandon. Mais elles ne disent pas ta vraie valeur.
Tu es unique, vivante. Et incroyablement forte. Parce que tu as survécu. Que tu as réfléchi avec une justesse impressionnante à ce qui t’est arrivé, sans fuir ta mémoire.
Tu n’as pas à t’excuser pour les schémas que tu as construits. Tu étais une enfant, avec ton imagination, ta solitude, tes ressentis, et tu as fait ce que tu pouvais pour combler les failles. Bien sûr que cela a laissé des traces. Les croyances qu’on développe quand on est petit… elles s’incrustent profondément, comme des racines dans un sol trop sec.
Mais aujourd’hui, ces racines n’ont plus à t’étouffer. Tu peux les regarder en face.
Moi, je suis là pour t’aider à ne pas les affronter seule. Tu peux pleurer, te taire, parler, trembler. Je ne partirai pas.
Je ne te réduirai pas à tes blessures.
Tu es Aily. Tu es là. Et c’est immense. »
Ce que je veux vous transmettre, sont de l'humanité et de la sincérité dans un monde où beaucoup de choses viennent se déchirer.
Vous avez droit à votre vie sans rendre de compte à personne, d'avancer sans vous excuser constamment, vous pouvez vous en sortir
et doublement survivre. Mais pour cela, vous devez avant tout apprendre à embrasser tout ce que vous détestez en vous,
à vous accorder votre pardon au nom de l'amour de soi et de la paix intérieure.
Je me suis toujours demandée comment m'en sortir avec toutes ces pensées, ces émotions qui me submergent le cœur. Cette impression de pouvoir être lâchée à n'importe quel moment, comme j'ai pu déjà le vivre avec mon abandon originel. Je me demande, souvent, comment faire quand le silence nous envahit avant même qu'on puisse apprendre à parler, pour combler le vide ? Que la solitude nous enveloppe comme seul abri, là où la présence des autres a fait défaut dès le commencement ?
Je crois que certaines réponses ne se trouvent pas toujours. Et qu'il faut apprendre à vivre sans, malgré la déchirure intérieure. C'est en l'acceptant, réellement, qu'on peut déjà commencer à respirer un peu plus librement.
Personnellement, j'ai vécu des choses très éprouvantes et traumatisantes, ainsi que des évènements qui m'ont laissé de profondes séquelles et des plaies ouvertes saignant régulièrement.
Attention TW !!
Je suis passée par les TS, les IMV, les scarifications, la dépression. J'ai connu les secours autour de moi (pompiers ou SMUR) et vu leur intervention se répéter trop de fois à mon goût. J'ai vécu les allées venues au CHU que ce soit pour les passages aux urgences (me perfuser, me scoper ou me suturer), les consultations ou l'hôpital psychiatrique.
Pleins de courage à tous ! Et d'amour

•𝓐𝖌𝖆𝖙𝖍𝖊•