UNE VIE TOUTE NEUVE : ce film primé au festival de Cannes en 2009 et réalisé par une coréenne adoptée à 9ans , est actuellement en salle
Une vie toute neuve de Ounie Lecomteavec Kim Saeron, Park Doyeon, Ko Asung
1 h 32.
Nous sommes à Séoul en 1975. Jinhee, 9 ans, est laissée par son père dans un orphelinat de filles tenu par des bonnes surs. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, refuse de manger, se cache dans la cour, veut partir. Mais pour aller où ? A un moment donné, une des responsables, exaspérée par son mauvais comportement, lui ouvre le portail et lui dit quelle est libre. Evidemment, Jinhee reste dans cet endroit quelle déteste, loin des siens, de ceux quelle aimait et en qui elle avait toute confiance, que pourrait-elle faire dautre ?
Une vie toute neuve nous met en contact avec les sensations subtiles de lenfance désemparée et avec la peur universelle de labandon. Ounie Lecomte, qui réalise ici son premier long métrage, puise dans son propre parcours, même si le film ne raconte pas véritablement son histoire, quelle a écrit et réécrit plusieurs versions du scénario pour parvenir au cur vivant dune émotion qui était comme bloquée dans un passé indicible.
Ounie Lecomte a 8 ans, en effet, quand sa grand-mère et un oncle prennent le bus avec elle vers une destination inconnue : «Je me souviens dune certaine excitation, il allait se passer quelque chose dextraordinaire. Je faisais mille caprices en chemin pour manger des gâteaux. Je ne me souviens pas du moment où on ma laissée à lorphelinat, tout sest effacé. Plus tard, jai ressenti un sentiment de révolte : ils avaient cédé à tous mes caprices parce quils savaient ce qui mattendait, comme on obéit aux dernières volontés dun prisonnier avant léchafaud.»
Elle nest pas orpheline quand on labandonne, ses parents se sont simplement séparés, «le divorce avait et a encore aujourdhui en Corée une image très négative, avec une forte stigmatisation sociale». Pour repartir du bon pied, il fallait aux adultes se défaire des fruits de leur première union. Il faut dire quau lendemain de la guerre de Corée (1950-1953), le gouvernement sud-coréen a encouragé sinon labandon, du moins ladoption denfants par des couples étrangers, principalement occidentaux. Une industrie de ladoption sest ainsi mise en place avec le service de placement des enfants sous la tutelle du ministère de la Santé et des Affaires sociales, et avec le soutien logistique dorganisations religieuses ou philanthropiques. Comme lexplique Ounie Lecomte, ce croisement entre la honte de labandon et la publicité de ladoption produisait un sentiment de culpabilité insoutenable : «On était laissé dans un non-dit complet, une absence féroce dinformation. Dun autre côté, vous ne pouviez vous plaindre, on vous offrait la chance dun avenir meilleur en Occident. Pour lenfant que jétais, et pour mes camarades sans aucun doute, il y avait une culpabilité absolue à se sentir malheureux, on ne trouvait plus aucune justification à notre douleur, elle navait plus de raison dêtre et ne devait donc tout simplement pas sexprimer.» Plus de 160 000 enfants ont été envoyés ainsi à létranger entre 1953 et 2006 ; pendant plus de trente années, jusquau milieu des années 90, la Corée du Sud a été le pays au monde dont étaient originaires le plus grand nombre denfants adoptés légalement par des couples étrangers.
Ounie Lecomte arrive en France vers lâge de 10 ans, elle est adoptée par un pasteur protestant et sa famille soccupant du temple de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) : «A larrivée en France, jai dormi deux jours daffilée, une sorte de coma total, une petite mort. Quand je me suis réveillé, jétais à nouveau plongée dans linconnu. Comme nous étions au mois de juin, mes parents, pour macclimater, mont mis à lécole maternelle. Jétais au milieu denfants de 3 ans, ne comprenant rien à ce qui se disait autour de moi, à peine si on nallait pas me mettre sur le pot (rires). Cétait ridicule.»
parkas.Une vie toute neuve sarrête précisément à laéroport, au moment du départ pour la France. Le tournage du film na pas été simple, notamment parce que la jeune femme a perdu lusage de la langue coréenne. Elle a essayé de la récupérer, mais ny parvient pas. Il a fallu tout le temps communiquer dans un anglais «approximatif». Quinze jours avant le tournage, elle na toujours pas trouvé la fille qui doit tenir le rôle principal : «Javais toujours limpression de repousser le moment du choix jusquà ce que ça simpose à moi. Jai vu Kim Saeron, en regardant sur écran vidéo des essais tournés par le premier assistant-réalisateur. Elle avait un visage opaque qui me plaisait, elle ne se livrait pas totalement, et on pouvait projeter beaucoup de chose.» Les enfants navaient pas lu le scénario, ils découvraient le film au gré du plan de travail, il fallait souvent simplifier, parfois tricher, «on communiquait par des choses physiques, concrètes, mécaniques, jamais par la psychologie. Mes propres handicaps et la maîtrise relative des enfants sur leur rôle étaient plutôt très propices à restituer ce parcours dune enfant qui vit comme avec des ornières, qui ne sait plus qui elle est, ni ce quelle va devenir».
En se choisissant linconfort dun tournage en langue étrangère dans un pays lointain, Ounie Lecomte recrée en un sens les conditions de son trauma fondamental, quand le destin la submergée et emportée loin de chez elle : «Lhistoire ma entraînée avec son énergie propre sans que je me pose véritablement laquestion du pourquoi. Le tournage a été une mise à lépreuve parce que tout va vite. Javais limpression, en arrivant le matin sur le plateau, dêtre un soldat qui monte au front et doit combattre sans souffler toute la journée. Jétais vidée, épuisée et en même temps, il y avait aussi quelque chose de désagréable dans ce que nous imposions aux fillettes. Cétait lhiver, et si léquipe pouvait porter deux parkas, elles devaient rester en pull dans le froid.»
Le film porte aussi la marque du producteur coréen (et surtout cinéaste) Lee Chang-dong (Oasis, Secret Sunshine
), avec qui Ounie Lecomte a longuement correspondu par mail afin de déployer dans toutes ses puissances dincarnation un scénario quil jugeait dans un premier temps trop timide. Ainsi le film nest-il pas impressionniste, il fait surgir des événements qui vous sautent à la gorge, comme ce moment où Jinhee arrache les membres des poupées distribuées à Noël ou quand elle creuse un trou dans le sol pour essayer de sy enterrer vivante. La facture du film est classique mais au meilleur sens du terme : précis et explicite, plus grave que véritablement triste. Même si à la fin de la projection, il fallait évacuer certains spectateurs pris de transe de sanglots.
«baiser». «Jamais je ne me suis spécialement intéressée au cinéma, dit aujourdhui Ounie Lecomte, cest venu un peu par hasard. A la télé, jai rarement vu des films mais ils mont marqué. Ça sest toujours fait par interdiction. Par exemple, un jour, jai vu vingt minutes de Pas de printemps pour Marnie de Hitchcock sans savoir ce que cétait. Au moment du premier baiser entre Sean Connery et Tippi Hedren, mes parents se sont affolés et mont précipitamment envoyée au lit. Ce bout de film ma hanté pendant des années. Je nen connaissais pas le titre, et je ne lai vu en entier que beaucoup plus tard.» Lors dun séjour en 1991 à Séoul, où elle attend pour jouer dans un film qui finalement ne se fera pas (elle avait été remarquée dans Paris séveille dOlivier Assayas), ses parents biologiques la retrouve : «Ce fut quelque chose de très violent, et je nai pas du tout répondu à ces retrouvailles. Je me suis échappée. Je suis retournée en Corée plusieurs fois pour y renouer des liens moins passionnés et moins névrosés aussi, sans doute.»
Il y a quelque de chose de très beau dans le film, du fait même quil traduit ce quaucune langue ne pouvait dire. Ounie Lecomte a perdu lusage du coréen, mais si elle a voulu passionnément apprendre le français dès son arrivée, elle continue dentretenir avec cette langue dadoption (et avec sa littérature) un rapport de fascination et de terreur : «Jai toujours limpression que cette langue méchappe. Quand jécrivais le scénario, je pouvais me reprendre des dizaines de fois en vérifiant chaque mot dans le dictionnaire de peur de me tromper, comme si je nétais pas sûr du sens des signes que jutilisais.» Sentiment d(in)appartenance inquiète, effacement et reconstruction du souvenir en forme de légende personnelle, voilà qui de surcroît apporte une eau salubre au moulin déglingué du débat sur lidentité nationale, postulant que nous vivons tout peu ou prou dans lexil dune mémoire mutilée.
film2009:adoption racontée par un enfant adopté
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Re: film2009:adoption racontée par un enfant adopté
MERCI !!!!!! pour cette info que nous allons nous regaler a aller voir
34&42, bientôt mariés - 1er RDV AS Mai 2009
Adoption nationale - 0-2 ans
Tres bon rapports des deux cotés - Commission en Mai - Agrément obtenu le 26-05-10
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Re: film2009:adoption racontée par un enfant adopté
Ce film - et d'autres - est présenté sur http://www.adoptionefa.org/index.php/accueil
et http://www.adoptionefa.org/index.php/li ... /a-voir#p1
De nombreux médias en ont parlé comme une excellente réalisation.
JClaude
et http://www.adoptionefa.org/index.php/li ... /a-voir#p1
De nombreux médias en ont parlé comme une excellente réalisation.
JClaude
Re: film2009:adoption racontée par un enfant adopté
Bonjour
Je suis en fin de procédure d'agrément et je suis allée voir ce film avec mon mari et mes 2 enfants (biologiques). C'est un film poignant qui donne beaucoup d'émotions mais qui suscite des interrogations. C'est très rare que l'on traite le thème de l'adoption en se restreignant au temps d'attente dans l'orphelinat. Les départs de chaque enfant et le regard de ceux qui restent, les efforts que font les enfants pour plaire aux couples qui viennent prospecter qui nous mettent mal à l'aise car on a l'impression que les parents entrent dans un magasin et qu'il y a du coup des critères de choix, chose difficilement imaginable: on adopte un enfant mais pas un petit blond aux yeux bleus qui a l'air d'être dégourdi...Cela me faisait penser à la façon dont on choisit un animal de compagnie en se disant: "celui qui viendra vers nous de manière délibérée sera le bon" ça laisse à réfléchir. L'époque n'était pas la même donc cet état de fait peut se comprendre. Et puis il y a une question encore sans réponse pour l'adoption d'enfant qui n'est plus un bébé. En sachant qu'un enfant abandonné ne pourra sans doute jamais accepter le fait d'avoir été adandonné, n'a t-il pas une appréhension lorsque ses parents adoptants viennent le chercher et est-ce qu'il n'en veut pas à ses parents adoptants de venir l'enlever de là où il est en se disant qu'ils lui enlèvent la dernière chance qu'il peut avoir que ses parents biologiques reviennent le chercher? Question qui ne trouvera jamais de réponse! Je sais que si on se pose toutes ses questions on se prend un peu la tête mais ce film nous les renvoie , je trouve! Que ceux qui ont vu ce film s'expriment pour confronter les avis et croiser les interrogations. Merci
Je suis en fin de procédure d'agrément et je suis allée voir ce film avec mon mari et mes 2 enfants (biologiques). C'est un film poignant qui donne beaucoup d'émotions mais qui suscite des interrogations. C'est très rare que l'on traite le thème de l'adoption en se restreignant au temps d'attente dans l'orphelinat. Les départs de chaque enfant et le regard de ceux qui restent, les efforts que font les enfants pour plaire aux couples qui viennent prospecter qui nous mettent mal à l'aise car on a l'impression que les parents entrent dans un magasin et qu'il y a du coup des critères de choix, chose difficilement imaginable: on adopte un enfant mais pas un petit blond aux yeux bleus qui a l'air d'être dégourdi...Cela me faisait penser à la façon dont on choisit un animal de compagnie en se disant: "celui qui viendra vers nous de manière délibérée sera le bon" ça laisse à réfléchir. L'époque n'était pas la même donc cet état de fait peut se comprendre. Et puis il y a une question encore sans réponse pour l'adoption d'enfant qui n'est plus un bébé. En sachant qu'un enfant abandonné ne pourra sans doute jamais accepter le fait d'avoir été adandonné, n'a t-il pas une appréhension lorsque ses parents adoptants viennent le chercher et est-ce qu'il n'en veut pas à ses parents adoptants de venir l'enlever de là où il est en se disant qu'ils lui enlèvent la dernière chance qu'il peut avoir que ses parents biologiques reviennent le chercher? Question qui ne trouvera jamais de réponse! Je sais que si on se pose toutes ses questions on se prend un peu la tête mais ce film nous les renvoie , je trouve! Que ceux qui ont vu ce film s'expriment pour confronter les avis et croiser les interrogations. Merci