Problème d'attachement - l'autre côté du miroir

[GunJo]

Bonjour,

Etant actuellement en thérapie auprès d'un professionnel, je suis "tombée" sur ce forum. J'ai été moi-même adoptée à 5 mois et j'ai 40ans.
Après avoir parcouru quelques discussions, j'ai éprouvé le besoin de témoigner de mon expérience, qui bien sûr, m'est propre et n'est pas applicable à toutes et tous.

Jusqu'à récemment, j'ai toujours pensé avoir eu une enfance heureuse et vécu une adoption "réussie", avec des parents adoptifs aimants et qui ont toujours tout fait pour m'aider.
Malgré tout, j'ai toujours eu une relation assez conflictuelle avec ma mère, même si objectivement, je ne voyais pas quoi lui reprocher.
A côté de cet aspect familial, j'ai toujours eu de grandes difficultés relationnelles en général, peu d'amis, subi du harcèlement pendant tout mon collège, et récemment des conflits avec mes collègues de boulot.
Par périodes, je ressens de fortes poussées d'anxiété, qui peuvent m'empêcher de sortir de chez moi (attaques de panique, crises de larmes, isolement de plusieurs jours, apathie), ce qui m'a conduit chez une psychothérapeute.

Les quelques séances que j'ai eues avec elle ont fait ressurgir des souvenirs refoulés vraiment atterrants. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il en ressort que le problème entre ma mère est moi serait de l'ordre de l'attachement entre nous 2 lors de mon arrivée.
Ma mère, qui ne pouvait pas être mère par elle-même, a tellement rêvé d'un enfant qu'elle n'a pas pu faire la jonction entre son rêve et ma réalité.
Et moi, bébé abandonné par 2 fois déjà, j'ai essayé par tous les moyens de capter son amour, en vain.

Ce n'est pas qu'elle ne m'aime pas. C'est qu'elle m'aime "à condition de" : bien se comporter, être bonne élève, être jolie, gentille, etc. Quand je faisais quelque chose qui ne collait pas avec ce qu'elle s'imaginait, elle me criait dessus et me disait sur tous les tons que je lui faisais honte.

Je n'écris pas ce message pour m'apitoyer sur mon sort (j'ai mes séances de thérapie pour ça !!) mais pour faire prendre conscience que ce lien entre l'adopté et l'adoptant est à double sens. Et parfois, c'est l'adoptant qui ne peut pas faire le chemin vers l'enfant qu'il a tant réclamé.

Cela parait étrange, mais certaines mamans ont vécu cela avec leurs propres enfants biologiques (j'en fais partie). Le bébé qui nait est au départ un étranger. Il faut d'abord faire le deuil de l'enfant rêvé pour aimer l'enfant réel. Ce n'est pas si "naturel".

Ma mère n'a jamais pu faire ce deuil. Elle vit toujours dans son rêve et j'ai passé mon enfance à essayer de coller à l'image de cet enfant imaginaire.

Aujourd'hui, j'ai juste envie de la tuer. J'en rêve la nuit. Et je me sens coupable. Avec un peu de chance et beaucoup de thérapie, j'espère pouvoir me réconcilier avec ce douloureux passé.

Merci de m'avoir lu.
J'espère ne pas effrayer les adoptants avec mon message. Ce qui nous est arrivé aurait aussi bien pu arriver dans une famille "classique". Mais la problématique de l'abandon a amplifié les choses.
Et pour les adoptés qui se sentent mal et qui ne savent pas pourquoi, je vous encourage à consulter un professionnel compétent. Ca fait peur au début, voire ça répugne, mais ça change la vie. N'hésitez pas à consulter 2 ou 3 thérapeutes diplomés autour de chez vous avant de décider qui vous suivra.
Et pour ceux qui sont heureux et pleins de vie, je dis Chapeau.

[Patricia01]

Merci pour ce témoignage.
Oui, l'attachement n'est pas toujours simple, souvent pas immédiat, même côté parent, mais la plupart du temps il finit par se créer et se consolider (heureusement!)
Je vous souhaite de trouver l'apaisement. C'est bien que vous soyez accompagnés et vous avez raison de le conseiller à tous ceux qui ne se sentent pas très bien dans leur vie.

Comme vous dites, ce qui vous est arrivé n'est pas spécifique à l'adoption, cela peut arriver aussi dans une famille biologique; mais l'adoption vient amplifier le ressenti douloureux car l'enfant abandonné est fragilisé. Quand je lis la courte description, je pense à une famille biologique que je connais bien où le rapport, en apparence, est le même, et je pense que les enfants feront le même reproche à leur mère ; pourtant, ce qu'il se passe, c'est que la mère a peur d'être jugée "pas à la hauteur" si son enfant n'est pas "parfaitement bien éduqué", et je crois qu'elle-même ne se sent pas à la hauteur, inconsciemment... et ça se traduit par des exigences excessives envers ses enfants et des colères dès qu'ils ne sont pas comme elle l'attend (s'ils ne sont pas parfait, dans son esprit, c'est parce qu'elle ne sait pas s'y prendre... elle a entamé un suivi psy à ce sujet).

Essayez de pardonner à votre mère : pour elle aussi ça a été compliqué... Et pour vous aider : à côté de toutes ces fois où elle vous a fait comprendre que vous n'étiez pas à la hauteur, parvenez-vous à vous rappeler ces autres fois où elle s'inquiétait parce que vous étiez malade, souffrante, triste, parce que vous rentriez tard, parce qu'elle craignait pour votre avenir ? Car c'est ça, aussi, l'attachement...

[Kenzo]

Bonjour,

Il est courageux de votre part de partager votre histoire et d'encourager d'autres adoptés qui se sentent mal à consulter un professionnel compétent. La thérapie peut certainement être une ressource précieuse pour explorer et guérir les blessures émotionnelles du passé. J'espère sincèrement que votre parcours de thérapie vous permettra de trouver la guérison et la réconciliation avec votre douloureux passé.
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