Oui, ça fait "catalogue", mais c'est indispensable pour être certain de ne pas aller au-delà de son projet.
Si on reste trop large, ou si on se dit "on verra bien, le jour où un enfant nous sera proposé, si on l'accepte ou pas", c'est prendre le risque d'accueillir un enfant qui serait trop loin de son "enfant rêvé". Plus grand que ce qu'on imaginait, nécessitant plus de soins ou d'adaptations que ce à quoi on s'était préparé...
Donc pas de souci, tu ne choqueras personne en disant ne pas te sentir capable d'adopter un enfant séropositif. (Pour ma part, je tire mon chapeau à ceux qui acceptent une fente labio-palatine, je trouve cette particularité bien plus lourde à gérer qu'un VIH !)
nevada42 a écrit :Par contre un enfant qui a subit des traumatismes, ca nous conviendrait et ca collerait à notre "vision" des parents que nous sommes... c'est a dire à l'ecoute de notre enfant etc etc...
C'est un projet à bien réfléchir. C'est, à mon sens, une des plus lourdes "particularités" qu'on peut rencontrer en adoption...
Désolée, je vais enfoncer des portes ouvertes : tous les enfants adoptés ont vécu des traumatismes.
J'ai adopté ma deuxième fille à seulement 11 mois. Entre sa naissance et son arrivée, elle a subi un abandon, un changement de lieu (et de figures connues) à l'âge de 2 mois, pour être transférée dans une institution où elle n'a pas eu de figure d'attachement et où elle a eu de multiples maladies. Un parcours de vie très classique pour un enfant adopté bébé.
Avant son arrivée, je me croyais emplie de patience, de bienveillance, d'amour inné pour cette petite fille qui était si jolie sur la photo... J'avais ce projet d'adoption en moi depuis des années, je le ressentais comme "une évidence" pour la construction de notre famille.
Or, l'arrivée de notre fille a été très loin d'une évidence. C'était un magnifique bébé - elle était jolie comme une poupée et est d'ailleurs objectivement toujours très jolie et sera bientôt une magnifique jeune femme ! - qui, pour se protéger, refusait d'avoir des parents. Elle refusait le portage, les câlins, le bain, les contacts peau à peau, elle évitait même les contacts visuels. Elle chouinait pour s'exprimer et hurlait à la moindre contrariété. Elle a pas mal pourri la vie de sa soeur, qui est notre fille biologique et qui avait 2 ans quand sa petite soeur est arrivée : elle déchirait ses dessins, détruisait ses constructions... Tout n'est pas tout noir, bien sûr, et nos filles partagent de beaux moments de complicité, quand elles se trouvent un intérêt commun on ne les arrête plus ! (en ce moment c'est la littérature fantastique : Harry Potter, Percy Jackson, Oscar Pill et compagnie...).
Ensuite, plus grande, nous avons eu des périodes de mensonges +++ (à s'arracher les cheveux, tellement ça touchait le moindre petit détail insignifiant !), des petits vols, et une période particulièrement noire avec une grande violence. Je n'entre pas plus dans les détails, mais bref, nous avons entamé un suivi psy en urgence, j'ai dû la traîner (physiquement !) aux différents rendez-vous jusqu'à ce que, petit à petit, elle se rende compte que ça lui fait du bien et qu'elle trouve un certain apaisement.
Je sais pertinemment que si, il y a 11 ans de ça, avant d'entamer notre procédure, nous avions lu le témoignage que je viens de rédiger, nous n'aurions pourtant pas abandonné. Parce que le rêve et le désir qui nous portent, quand on est dans l'attente d'un enfant, prennent le dessus sur la connaissance - théorique - du risque.
De toute façon, aujourd'hui je ne regrette rien, je n'ai d'ailleurs jamais regretté d'avoir adopté ma fille (pourtant j'en connais un bon nombre, de familles qui regrettent...). A un moment, je m'étais fait une raison : nous n'aurions pas une relation mère-fille basée sur la confiance mutuelle, nous ne sentirons jamais de sa part que nous sommes aimés... et tant pis, ce n'est pas grave, c'est quand même NOTRE fille. Et finalement, pas à pas, les liens sont devenus plus solides, elle a enfin confiance en nous, enfin je crois. (j'attends avec une impatiente toute relative l'entrée dans l'adolescence...)
Et - on ne se refait pas ! - quand nous avons commencé une nouvelle procédure, c'était la bouche en coeur, pleins de désir pour ce futur enfant et en espérant secrètement que, cette fois, tout sera plus facile... ou en tout cas que nous serions mieux préparés.
Nous avions songé, à un moment, à orienter spécifiquement ce deuxième projet vers un enfant "au passé chaotique". Etant déjà passés par les troubles de l'attachement (version light), on s'est dit qu'on serait une bonne famille pour un tel enfant. Pendant notre agrément, l'éducateur spécialisé qui nous suivait nous aurait d'ailleurs très bien vus dans ce rôle, il voulait orienter notre projet vers un pupille de 2 à 5 ans.
Sauf que la lecture et l'écoute (réunions EFA) de témoignages sur ce type d'adoptions nous ont complètement refroidis. Troubles psychologiques, troubles du comportement, violence extrême (sans inhibition !), refus voire destruction de toute forme d'attachement, y compris envers les frères et soeurs ou les copains d'école... Ce tableau n'est évidemment pas représentatif de toutes les adoptions d'enfants au passé chaotique, mais le risque est plus grand chez ces enfants-là car ils ont vécu trop de ruptures, trop de déceptions envers les adultes, pour qu'un nouvel attachement se fasse facilement.
Peut-être qu'en effet nous aurions été une famille "suffisamment bonne" pour un de ces enfants... Mais nous, nous ne voulions pas faire prendre trop de risque à notre famille, dont l'équilibre avait été si difficile à trouver après l'adoption de notre deuxième.
Voilà pour mon petit témoignage... qui n'était même pas demandé, mais maintenant que j'ai tout tapé, je le poste quand même !
