Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

Vos témoignages d'adoption, heureux ou malheureux, d'adoptant ou d'adopté.
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UFFA92
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Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

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Nous revenons d'une semaine à Haïti où nous avons séjourné dans le village de naissance (département de Grande Anse) de notre fille âgée de 17 ans adoptée en 1999 par l'intermédiaire d'une association (adoption plénière). Elle le demandait depuis plusieurs années et elle a pu voir le lieu où elle a vécu 3 ans. Elle a rencontré ses parents biologiques ainsi que ses frères, soeurs et nombreux cousins, cousines, etc.
Au cours de ce séjour nous avons été surpris par la conception de l'adoption que se font les parents qui ont "confié" un de leurs enfants. Il s'agit pour eux de confier à une famille étrangère (forcément riche !) un enfant qui, lorsqu'il sera majeur pourra aider matériellement sa famille d'origine. Et dans le cas de notre fille, comme elle n'est pas indépendante financièrement, il nous a été demandé à nous ses parents adoptifs de se substituer à elle et d'aider sa famille de naissance. Il semble que ces idées soient propagées par les services sociaux du pays ou du moins par des intermédiaires plus ou moins officiels. Nous avons donc à plusieurs reprises expliqué ce qu'était l'adoption plénière en France (comme dans la majorité des pays) et que le but de notre voyage était uniquement destiné à notre fille de renouer avec ses racines. Certains parents s'étonnaient de ne plus avoir de nouvelles de leurs enfants car il leur avait également été dit que le contact ne serait pas rompu. Les parents ne semblent donc pas avoir été assez informés par les services sociaux du pays des conséquences de l'acte d'abandon de leurs enfants. Ils ignoraient même que les enfants adoptés avaient pris le nom de leurs parents adoptifs.
Il semble donc que pour eux l'adoption n'est conçue que comme une adoption simple. Mais si on peut comprendre que ces parents, qui vivent dans des villages isolés sans eau courant ni électricité ni moyens de communications, ont du mal à comprendre la notion de l'adoption et ses conséquences, il ne doit pas en être de même des services sociaux qui traitent les dossiers et qui font même signer des actes d'abandon (devant un tribunal) aux parents concernés.
Nous avons pris soin de laisser notre fille en dehors de ces discussions afin qu'elle ne conserve que la joie des retrouvailles avec sa famille d'origine. Mais nous garderons un goût amer de ce voyage bien que nous estimons qu'il était indispensable pour notre fille.
Nous comprenons un peu mieux maintenant les raisons pour lesquelles certains tribunaux refusent l'adoption plénière pour des enfants venus d'Haïti, ce qui n'avait pas été notre cas.
Les futurs adoptants d'enfants venant de Haïti doivent être très vigilants sur les documents qui leur sont remis notamment sur le consentement des parents et leur connaissance des conséquences de l'adoption.
Framboise
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Re: Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

Message non lu par Framboise »

Votre réflexion montre bien le fossé entre notre conception de l'adoption et celle des parents dans les pays d'accueil.
Je pense intéressant de faire remonter votre ressenti à l'association de parents adoptants d'haiti , appo haiti , leur mail
contact@apaehaiti.fr
leur site http://www.apaehaiti.fr/ afin qu'ils sensibilisent les acteurs locaux à cette problématique ....
mais dans le futur , l'adoption en haiti sera faible, de nombreuses crêches ne sont plus habilitées... et il y aura un nombre restreint par pays ...
cordialement,
framboise
Patricia01
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Re: Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

Message non lu par Patricia01 »

Oui, c'est bien dommage qu'il y ait eu ce décalage entre les attentes/croyances des familles d'origines et les attentes des familles adoptives. Effectivement, on voit bien les dérives qui ont fini par conduire, non sans raisons si on en croît ce témoignage, à la fermeture puis réorganisation de l'adoption là-bas.
Peut-être aurait-il été possible, pourtant, de respecter la conception de l'adoption de ces familles haïtennes, comme ça se fait en polynésie ou pour les kafala... A condition de jouer franc jeu des deux côtés. Ce qui n'était pas le cas, et c'est bien dommage.

Ca me hérisse qu'on pousse ces familles à abandonner leur enfant en leur faisant croire qu'ensuite il reviendra pour les aider financièrement. Et pourtant, je me dis qu'en d'autres temps, ce genre de chose s'est faite aussi en France. Un juste milieu serait possible : une adoption simple avec maintien des liens (je suis sûre qu'un certain nombre de familles l'auraient accepté si tout est clair du départ, en tout cas ça aurait été notre cas), mais à condition qu'il n'y ait pas cette illusion d'une future aide financière.
Mais inutile de tirer des plans sur la comète, il y a eu des dérives et c'est trop tard...

Je pense cependant que tôt ou tard, votre fille risque de prendre conscience de ce "malentendu". Et qu'elle pourrait peut-être vous reprocher de lui avoir tu. A vous de voir quand et comment aborder le sujet...
Patricia, maman de deux grandes filles chocolat et miel (Ethiopie/Vietnam) de 17 et 13 ans, arrivées à 1 an
UFFA92
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Re: Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

Message non lu par UFFA92 »

Merci à Patricia et Framboise. Si nous avons tenu notre fille à l'écart de cela sur place, nous lui en avons parlé dès notre retour en France car nous ne lui avons jamais caché quoi que ce soit. Elle nous a dit avoir été elle même "chapitrée" sur le même sujet. Elle n'a peut-être pas totalement conscience des faits car elle souffre d'un léger handicap mental qui pour une fois a servi à la préserver. Sa seule réaction a été de nous dire qu'il fallait qu'elle travaille le plus vite possible pour "aider sa mère".
Lorsque nous avons adopté, nous nous sommes adressés à une AOO car nous avons voulu prendre toutes les garanties de crainte de tomber sur une réseau de trafic d'enfants. Nous avions bien précisé à cette AOO que nous souhaitions une adoption plénière, une adoption simple nous paraissant plus proche de la "famille d'accueil" que d'une véritable adoption. Cette AOO nous a demandé de respecter certaines conditions : les laisser s'occuper des démarches à Haïti, les laisser assurer le transport de notre fille vers la France et ne pas chercher à contacter la famille biologique. Il nous a été précisé que le jugement d'adoption à Haïti n'était pas reconnu en l'état en France et qu'il nous faudrait faire une demande d’adoption auprès du Tribunal de notre domicile. Lorsque nous avons accueilli notre fille un dossier complet nous a été remis. Dans ce dossier figurait notamment une déclaration d'abandon où la mère biologique déclarait expressément qu'elle consentait que sa fille soit confiée par adoption plénière à une famille et que par conséquent tous les liens juridiques avec la famille biologique seraient coupés. Nous nous rendons compte maintenant que ce document n'était qu'un document de pure convenance et que la mère biologique n'avait certainement pas été capable d'en apprécier les réelles conséquences.
Le dossier médical qui nous avait été remis était succinct et ne mentionnait qu'un retard pondéral et un problème à un genou. Il s'est avéré que notre fille avait la tuberculose (heureusement éradiquée en 6 mois de traitement) puis nous avons découvert qu'elle souffrait de déficiences intellectuelles. Depuis l'age de 10 ans, elle souffre également de troubles psychologiques graves qui nécessitent un traitement et un suivi psychologique et psychiatrique.
Lorsque notre fille a demandé à reprendre contact avec sa famille biologique les psys nous ont assuré que cette démarche serait salutaire. Nous nous sommes tournés alors vers l'AOO qui a refusé de nous fournir le moindre renseignement en nous précisant que cela pourrait être préjudiciable pour notre fille. Nous nous nous sommes alors débrouillés nous même. Avec le recul nous nous demandons ce que cette AOO savait de la situation exacte des enfants adoptés alors que pour les parents adoptants l'interdiction de se rendre sur place et de contacter la famille biologique ne leur permettait en aucune façon de vérifier la réalité des documents qui leur étaient remis. Par ailleurs, nous ne sommes pas d'accord avec l'AOO sur le fait de refuser à un enfant adopté de rechercher ses origines.
Je suis d'accord avec l'analyse de Patricia. Compte tenu de la conception de l'adoption à Haïti il ne devrait être proposé que des adoptions simples pour les enfants venus de ce pays mais les candidats à l'adoption devant en être correctement informés par les AOO.
UFFA92
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Re: Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

Message non lu par UFFA92 »

Pour en terminer avec notre témoignage, je tiens à préciser que lorsque nous sommes partis à Haïti nous savions que nous serions "sollicités" comme nous l'avions été lors de séjours en Afrique. cela nous semble naturel pour des habitants de pays pauvres et ne nous choque pas plus que cela car c'est à nous d'accepter ou non et de rester dans les limites du raisonnable. Ce qui nous a déconcerté avec Haïti c'est l'utilisation d'enfants comme source future de revenus et que cela se fasse avec l'appui, voire la pression, des gens du pays qui représentent une quelconque autorité. Nous avons rencontré à Port au Prince l'assistante sociale qui s'était occupée du dossier d'adoption de notre fille et nous avons retiré de cet entretien qu'elle tenait un double langage selon qu'elle s'adressait aux parents qui remettaient leurs enfants à l'adoption ou aux parents adoptants.
sand
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Re: Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

Message non lu par sand »

Merci pour votre partage et votre point de vue UFFA92.
Petite question : qu'est-ce qu'une AOO? Je ne suis pas au fait de l'adoption en Haïti, mais la procédure pouvait être via un OAA, (organisme autorisé pour l'adoption), non? Donc, quand vous dites AOO, cela veut dire Organisme Autorisé par l'Adoption? C'est à dire que vous aviez fait une procédure via un organisme et non via une procédure individuelle à l'époque? Ce n'est donc pas tant la réaction des familles en Haïti qui me choquent ici, mais la façon dont votre organisme a mené la procédure ainsi que le suivi post-adoption...
Bon courage à vous et à voter fille pour continuer malgré cette histoire qui n'est pas celle que vous auriez voulue.

Sand
UFFA92
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Re: Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

Message non lu par UFFA92 »

Pour Sand : Vous avez raison ce n'est pas une AOO mais bien un OAA (organisme Autorisé pour l’Adoption) Inversion des lettres donc. En nous adressant à cette OAA nous pensions être à l'abri de ce genre de problème...
dieting
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Re: Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

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Lorsque nous avons accueilli notre fille un dossier complet nous a été remis. Dans ce dossier figurait notamment une déclaration d'abandon où la mère biologique déclarait expressément qu'elle consentait que sa fille soit confiée par adoption plénière à une famille et que par conséquent tous les liens juridiques avec la famille biologique seraient coupés. Nous nous rendons compte maintenant que ce document n'était qu'un document de pure convenance et que la mère biologique n'avait certainement pas été capable d'en apprécier les réelles conséquences.
Le dossier médical qui nous avait été remis était succinct et ne mentionnait qu'un retard pondéral et un problème à un genou. Il s'est avéré que notre fille avait la tuberculose (heureusement éradiquée en 6 mois de traitement) puis nous avons découvert qu'elle souffrait de déficiences intellectuelles. Depuis l'age de 10 ans, elle souffre également de troubles psychologiques graves qui nécessitent un traitement et un suivi psychologique et psychiatrique. ??
GuL
Fifoune
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Profession, activité : Cadre
Profil adoption : Heureuse maman de F. arrivée d'Haïti en 2009 à 4 ans et 2 mois (procédure individuelle, 34 mois d'attente), de H. arrivé de RDC en 2016 à 6 ans et demi (OAA, 50 mois d'attente) et de G. né en France et rencontré en 2019 à l'âge de 4 ans.
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Re: Retour de Haïti et ambiguïté sur l'adoption.

Message non lu par Fifoune »

Bonjour,

Je vous conseille la lecture du livre de Tinan Leroy (par ailleurs décédé récemment, trop jeune) "Magnitude 7.3". Ca raconte exactement votre histoire, sous l'oeil de l'enfant adopté devenu adulte et qui est confronté à cette réalité (ses parents biologique à qui on aurait menti pour qu'ils l'abandonnent puis la pression financière mise sur lui par cette famille retrouvée...).

Nous sommes nous aussi confrontés à ces interrogations : notre fille vient d'Haïti également, elle a 9 ans et est arrivée en 2009, avant la réorganisation. Nous avons aussi obtenu une adoption plénière mais avons bien conscience que les documents en notre possession ne sont pas fiables (comment une mère analphabète pourrait-elle consentir à quoi que ce soit par écrit ?). On ne peut que faire confiance à la transmission orale des informations... mais à vous lire, on comprend les limites du système.
De notre côté, nous avons gardé des liens avec l'orphelinat où notre fille a passé 3 ans et envoyons des nouvelles et photos régulièrement. L'orphelinat a notre accord pour transmettre ces nouvelles à la mère biologique de notre fille si un jour elle se présentait, ce qui n'a jamais été le cas en 5 ans (mais il y a eu le séisme depuis...).

Merci de votre témoignage en tous cas !
Delphine
Delphine (46 ans) maman d'une puce de 18 ans (Haïti, 2009), d'un grand gars de 14 ans (RDC, 2016), et d'un mini gars de 8 ans (France, 2019).
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