DIFFICULTE D'ETRE PARENTS

[ATHOR]

Bonsoir, suite à une opération un mois après notre mariage, mon ex-mari et moi nous sommes tournés vers l'adoption et avons accueilli notre fille alors que nous étions âgés respectivement, lui de 23 ans et moi de 26 ans. Notre bébé était pupille de l'état et avait 3 mois et demi. Nous l'avons attendue pendant 3 ans et demi.
Nous fréquentions régulièrement les réunions d'ENFANCE & FAMILLES D'ADOPTION de notre département. Cela nous a aidés à nous préparer à devenir parents.
Deux ans plus tard, nous avons été chercher notre deuxième enfant (un petit garçon de 6 mois) à l'A. S. E. de LA REUNION.
Nos enfants ont toujours su qu'ils avaient été adoptés. Nous leur avons beaucoup parlé, avons répondu à leurs questions avec beaucoup d'attention. Nous avons fait de notre mieux avec nos moyens.
Notre fillette était chez une famille d'accueil avant d'être adoptée. Alors qu'on nous avait dit qu'elle était très joyeuse, elle a pleuré pendant 3 jours et même, elle a hurlé pendant ces 3 jours, chaque fois que je m'approchais d'elle. Je pense qu'elle a souffert d'être séparée de sa nourrice. C'était sans doute pour elle, comme si elle était abandonnée une deuxième fois ...
Notre petit garçon souffrait d'hospitalisme quand nous sommes arrivés à LA REUNION. Il ne réagissait pas au bruit. Alors qu'il avait 6 mois, il ne prenait qu'un biberon dans la journée et encore, il ne le terminait pas. Il pesait son poids de naissance, c'est-à-dire à peine, 2 kgs 400 et quelques ! Mais lui, on voyait qu'il était heureux de venir avec nous. Au bout de 4 jours, il avait complètement changé de physionomie et il était tout souriant.
Notre fille a eu souvent des périodes de déprime. A 3 ans, par exemple, elle a pleuré pendant une semaine sans vouloir dire pourquoi. Elle a fini par avouer que c'était parce qu'une camarade, lui avait dit que je n'étais pas sa vraie maman. Nous lui avions bien expliqué que nous l'avions adoptée, mais elle ne supportait pas que quelqu'un d'autre lui dise ça.
A E. F. A., on nous avait dit de leur expliquer que leur mère avait accompli un acte d'amour en signant le consentement à l'adoption alors que d'autres laissaient leur enfant à l'A. S. E. sans avoir le courage de signer le fameux consentement.
Notre fille étant souvent déprimée, nous l'avons fait suivre par une pédo-psychiatre. Elle était adorable avec nous, toute la famille, mais elle n'était pas heureuse. Le temps a passé. Elle a maintenant 32 ans et a eu 3 petits garçons. Elle vit avec le père de ses enfants. Elle a recherché sa mère de naissance et l'a retrouvée après plusieurs années. Son père et moi venions de nous séparer. Elle a cru que j'étais mal à l'aise à cause de ses recherches alors que nous lui avions toujours dit, ainsi qu'à son frère que nous les aiderions si on pouvait. J'avais seulement peur qu'elle soit déçue, que sa mère biologique la rejette encore et je savais qu'elle aurait beaucoup de mal à s'en remettre. Je lui avais dit que ça pouvait bien se passer, mais qu'il fallait qu'elle envisage aussi qu'elle ne veuille pas la rencontrer. Sa mère a accepté de la rencontrer, l'a présentée à toute sa famille. Je l'ai rencontrée, à la maternité, à l'occasion de la naissance de mon premier petit-fils. J'ai été frappée par la ressemblance avec ma fille. Je me suis pris une claque car je n'avais pas imaginé qu'elles puissent se ressembler autant, mais j'étais contente pour ma fille qui avait tellement besoin de se reconnaître en elle. Sa mère de naissance n'arrêtait pas de dire : "ma" fille", "mon" petit-fils et je n'ai pas pu m'approcher de ce dernier. Mais je n'ai rien dit. J'espérais que ma fille était enfin heureuse. Mais non !
Leur relation est chaotique et elle en souffre beaucoup. Malgré ses trois enfants, elle se fait beaucoup de mal physiquement et ça me tue. Je suis toujours en alerte. Je crains toujours le pire. Heureusement, elle a recommencé sa thérapie. J'espère qu'elle arrivera à surmonter cette blessure qui la torture. Elle mérite tellement d'être heureuse car c'est une personne merveilleuse.
Maintenant, elle me dit que si elle va si mal c'est parce que son père et moi avons trop idéalisée sa mère biologique, parce que nous avons dit qu'elle avait fait un geste d'amour. Cela m'a terrassée. Nous n'avons jamais dénigré sa mère, mais ne l'avons jamais idéalisée. J'ai l'impression d'avoir tout raté.
ATHOR

[Patricia01]

Je vous souhaite beaucoup de courage dans ce difficile accompagnement de votre fille.
En tant que mère... je sais que je ferai les mêmes "erreurs" (?). Moi aussi, je dirai à mes filles que leurs mères ont voulu leur donner une chance d'être heureuse en les confiant à l'adoption, moi aussi, je ne les dénigrerai pas, je leur trouverai plein d'excuses et d'explications pour ce geste... comme tous les parents adoptifs. Et peut-être qu'un jour, l'une de mes filles me reprochera, à moi aussi, d'avoir soi-disant "idéalisé" sa mère. Alors que ce ne sera pas la cas, c'est elle, qui, peut-être, l'idéalisera....
Je pense que tous les parents adoptifs tiennent le même genre de discours. Pour beaucoup d'enfants, cela suffit, mais d'autres ont tant souffert de l'abandon qu'ils n'arrivent pas à dépasser cela. Et votre témoignage prouve que cela ne dépend pas de l'âge à laquelle l'enfant est adopté !
Vous avez fait de votre mieux. ne culpabilisez pas... Continuez à faire de votre mieux pour soutenir votre fille. Ce sont ses blessures à elle, et c'est à elle d'apprendre à les affronter. Vous ne pouvez le faire à sa place. En tant que mère, vous ne pouvez que continuer à la soutenir et à l'aimer.
Bon courage à vous deux !

Patricia

[emmanuelle]

ma petite maman,
En aucun cas je ne te tiens responsable de mes souffrances d'aujourd'hui.Comme je te l'ai dit : oui j'ai beaucoup fantasmé sur F mais tu as fait pour le mieux, et ça serait peut-être pire si tu ne m'avais pas présenté F comme quelqu'un de bien.Ce que je ne veux pas c'est que tu culpabilises, tu n'as pas à le faire...Parce qu'on ne culpabilise pas d'aimer très fort ses enfants et de vouloir le meilleur pour eux.Je ne t'en veux absolument pas , bien au contraire, papa et toi , vous êtes des modèles très précieux pour moi, et si j'arrive à donner à mes loulous,ne serait ce qu'un quart de tout ce que vous vous m'avez et que vous continuez à m'apporter,je serais super fière.
C'est pas toi qui a des difficultés à être parent, tu es parfaite, c'est juste moi qui me "dépatouille" avec une histoire un peu plus compliquée que la "normale" et qui essaie de trouver ma place...Je t"aime de tout mon coeur et pour rien au monde je voudrais que tu ressentes la moindre culpabilité, tu as fait ce que tu croyais juste, on n'est pas parfait, mais tu te rapproches de très près de la perfection en tant que maman, sois en persuadée...
Emmanuelle

[ATHOR]

Merci Patricia pour votre message qui m'a un peu apaisée. J'espère que ma fille arrivera à panser sa blessure. Elle souffre tellement. Les gens qui n'ont pas adopté disent : "mais pourquoi elle se torture comme ça ? Il faut qu'elle tourne la page !" Si cela pouvait être aussi simple que cela ...
Moi-même, j'étais très naïve. Je croyais qu'il suffisait d'aimer mes enfants très fort pour qu'ils soient heureux ! J'entendais bien dans les réunions d'EFA que parfois l'amour des parents adoptifs ne suffisait pas, mais je ne voulais pas le croire. Ou alors je me disais que cela ne concernait que les enfants difficiles, adoptés grands et qui avaient des troubles du comportement et de l'attachement. Les miens avaient été adoptés bébés, la famille élargie les entourait d'affection et leur père et moi les aimions infiniment. Dans leur enfance, je n'aurais jamais imaginé qu'à l'adolescence et à l'âge adulte ma fille allait souffrir comme elle le fait.
J'avais besoin d'un peu de réconfort. Vous me l'avez donné. Merci encore.
Je vous souhaite de bien profiter de vos deux bouts de choux.
Bonne journée. Amicalement.
Athor

[ATHOR]

ma petite maman,
En aucun cas je ne te tiens responsable de mes souffrances d'aujourd'hui.Comme je te l'ai dit : oui j'ai beaucoup fantasmé sur F mais tu as fait pour le mieux, et ça serait peut-être pire si tu ne m'avais pas présenté F comme quelqu'un de bien.Ce que je ne veux pas c'est que tu culpabilises, tu n'as pas à le faire...Parce qu'on ne culpabilise pas d'aimer très fort ses enfants et de vouloir le meilleur pour eux.Je ne t'en veux absolument pas , bien au contraire, papa et toi , vous êtes des modèles très précieux pour moi, et si j'arrive à donner à mes loulous,ne serait ce qu'un quart de tout ce que vous vous m'avez et que vous continuez à m'apporter,je serais super fière.
C'est pas toi qui a des difficultés à être parent, tu es parfaite, c'est juste moi qui me "dépatouille" avec une histoire un peu plus compliquée que la "normale" et qui essaie de trouver ma place...Je t"aime de tout mon coeur et pour rien au monde je voudrais que tu ressentes la moindre culpabilité, tu as fait ce que tu croyais juste, on n'est pas parfait, mais tu te rapproches de très près de la perfection en tant que maman, sois en persuadée...
Emmanuelle

Merci ma puce. Si tu savais comme je me sens nulle et impuissante. Je croyais tellement que notre amour suffirait.
Tu sais, j'ai beau me demander le jour et la nuit comment je pouvais te parler de ta mère de naissance, autrement que je ne l'ai fait, en essayant le plus possible de ne pas te blesser, je ne trouve pas de réponse qui pourrait te convenir. Qu'aurait-il fallu que je dise à la petite Emmanuelle pour qu'elle n'idéalise pas ? Peux-tu me le dire toi ?

S'il y a des parents qui ont lu nos témoignages, pouvez-vous répondre à cette question : que fallait-il dire à Emmanuelle quand elle demandait sans cesse pourquoi sa mère de naissance l'avait abandonnée ? Sachant que nous ne connaissions rien de son histoire, l'A. S. E. nous ayant fait croire qu'elle était née sous X, ce qui était faux, notre fille le découvrira lors de ses recherches. Sa mère lui avait même donné un prénom que l'A. S. E. s'est empressée de changer ...
Athor

[emmanuelle]

"Que fallait-il que tu me dises?"
Rien de différent , ce que vous m'avez dit papa et toi , était encore une immense preuve de votre empathie à son égard et de l'envie que je me sente bien et en paix avec moi-même.Je n'aurais pas fait mieux...quand on ne sait pas, on fait du mieux qu'on pense.Tu as fait ce que tu pensais juste et bon pour moi.Je sais , aujourd'hui que je suis maman, qu'on ne fait pas toujours les bons choix, par contre je suis convaincue que c'est toujours dans l'idée de rendre les choses meilleures, et les moments difficiles plus doux...Quand Mahé me demande ce qu'on devient quand on est mort, et que je lui réponds une belle étoile qui va briller dans le ciel, je sais que ce n'est pas la réalité, mais si je peux l'apaiser et lui permettre d'attendre le moment ou il sera près pour entendre des choses plus "rudes", alors je sais que je fais ce qu'il faut. Tu as fait ce qu'il fallait, on ne revient pas en arrière, et quoi que tu penses, tu m'as permis d'avancer et d'attendre le moment ou je pourrais entendre les choses "plus rudes"...
Je t'aime fort.
Manue

[lysiane]

bonsoir Athor et Emmanuelle,

vos témoignages m'ont bouleversée, je suis maman adoptive d'un petit garçon de 9 ans (adopté à 6 ans) qui ne va pas bien du tout, il a visiblement de gros problèmes psychologiques et me rejette clairement. C'est très difficile à vivre et je m'inqiète pour l'avenir: que va-t-il devenir, qu'allons-nous devenir ? Dernièrement , il parle souvent de sa mère, il dit que si il a des problèmes c'est parce qu'elle l'a laissé, que lui ne voulait pas qu'elle le laisse.Alors bien sûr, moi aussi j'ai répondu qu'elle n'avait sûrement pas eu le choix , qu'elle était peut-être trop jeune pour élever son enfant et que si il le souhaite , on l'aidera à la rechercher quand il sera grand. En fait, je ne sais pas quoi répondre, car sa mère ne l'a pas abandonné, il est devenu adoptable par décision de justice et je me dis que plus tard si il fait des recherches il connaîtra cette vérité, et il me reprochera de ne pas lui avoir dit. Mais comment dire à un enfant qu'un juge a décidé que sa mère n'était pas capable de l'élever ?

Je vous souhaite beaucoup de courage à toutes les 2 . Emmanuelle, je ne peux pas comprendre ce que l'on ressent quand on est abandonné, mais je sais ce que l'on ressent quand on est rejetée par son enfant. J'ai bien compris que vous ne rejetez pas votre mère adoptive , mais simplement , je crois qu'elle souffre beaucoup, elle aussi, alors à vous deux, soutenez-vous mutuellement et faites vous aider si besoin.
une maman adoptive bien triste ces derniers temps

[Cloclo]

lysiane,

Connaissez-vous l'association PETALES. Voir son site ici :
http://www.petalesfrance.fr/

Vous pourrez rencontrez des parents qui vivent de grosses difficultés avec leur enfant adopté. Une ligne d'écoute existe également, ainsi que des GREP (groupes de rencontres et d'entraide de parents ou groupes d'écoute). La réaction de votre fils ressemble à celle de beaucoup d'adoptés "grands". Peu lui importe les raisons de séparation avec sa mère. Il vit cela comme un abandon et vous rend responsable puisque dans sa tête, très probablement, il considère que si vous n'aviez pas voulu adopter, il n'aurait pas été abandonné. Il lui faut un motif et un coupable pour survivre et vous êtes naturellement l'objet, comme des centaines de parents adoptifs.
Bon courage et n'hésitez pas à échanger avec des parents vivants ces difficultés ou d'autres

[JClaude]

J'ignore dans quel département vous résidez, : peut-être votre association EFA locale organise des rencontres ou groupes de parole pour parents ressentant des difficultés avec leur enfant.
Chaque année, une dizaine de rencontres sont organisées dans mon département, avec l'aide de psy très au fait de l'adoption.
Et votre EFA peut vous donner les coordonnées de professionnels près de chez vous.
http://www.adoptionefa.org/index.php/co ... -dadoption

Vous pouvez aussi appeller la permanence nationale, même anonymement :
http://www.adoptionefa.org/index.php/no ... -nationale

[ATHOR]

J'ignore dans quel département vous résidez, : peut-être votre association EFA locale organise des rencontres ou groupes de parole pour parents ressentant des difficultés avec leur enfant.
Chaque année, une dizaine de rencontres sont organisées dans mon département, avec l'aide de psy très au fait de l'adoption.
Et votre EFA peut vous donner les coordonnées de professionnels près de chez vous.
http://www.adoptionefa.org/index.php/co ... -dadoption

Vous pouvez aussi appeller la permanence nationale, même anonymement :
http://www.adoptionefa.org/index.php/no ... -nationale

Merci JClaude pour votre aide. Si je ne me trompe, vous êtes sans doute dans le département de la Haute-Garonne. Je suis dans l'Aveyron. EFA 12 a essayé à plusieurs reprises d'organiser des rencontres avec les parents qui éprouvaient des difficultés. Cela n'a pas marché.
J'avais besoin de réconfort et j'en ai trouvé sur ce forum. Ma fille se fait suivre à nouveau (depuis peu) par un psychologue. J'espère de tout cœur qu'il pourra l'aider à aller bien. Pouvez-vous me dire s'il existe des professionnels branchés adoption sur Toulouse (ma fille habite la Haute-Garonne) ?
Suite à ces témoignages, ma fille et moi avons beaucoup parlé. Elle a tout fait pour me déculpabiliser. C'est une jeune femme tellement adorable ! Ce n'est pas juste qu'elle souffre autant.
Athor