Petite réfléxion sur les mamans de naissance...

[Papouase]

Bonjour,

Je viens d'aller voir le film "Philomena" qui traite entre autres de l'adoption d'enfants irlandais dans les années 50, retirés à leurs jeunes mères par les soeurs des couvents où elles étaient placées après "avoir fauté". Leurs enfants étaient vendus à des couples américains, et peu de mères ont pu obtenir des informations tangibles afin de retrouver leurs enfants plus tard. C'est un film à la fois révoltant et nécéssaire, qui m'a fait réfléchir (et verser quelques larmettes!).

Mûrissant un projet d'adoption d'un enfant pupille, je ne cesse de m'interroger sur les mères de naissance, persuadée qu'on les adopte elles-aussi en adoptant leur enfant: leur histoire, leurs contraintes, leur souffrance, leurs regrets, leur suivi après l'accouchement sous X. Leurs souffrances et leur situation compliquée est à la source de notre famille, et j'ignore encore quelle importance elles doivent avoir dans la vie de l'enfant que l'on va élever: à quelle fréquence doit-on les évoquer, comment les évoquer...
J'ai récemment rencontré une famille adoptive et leur fille, née sous le secret. En la regardant, j'ai vu d'autres visages: je n'ai pu m'empêcher d'imaginer sa mère de naissance, ou son père, jeunes adolescents ou jeunes adultes, à partir de ce visage. J'ai le sentiment très fort que ces visages doivent être là, présents dans cette famille, qu'on les adopte aussi évidemment.
Je me demande comment il est possible d'élever sereinement un enfant né sous le secret dont le dossier de la mère d'origine est vide: cela me fait vraiment peur.

Parents adoptifs, à quelle fréquence pensez-vous à la maman de naissance de votre enfant? Y pensez-vous souvent? En parlez-vous souvent?

Merci!

JULIA

[gagatte]

Je n'ai pas le sentiment d'avoir adopté aussi la mère de naissance de ma fille. En revanche oui il m'arrive de penser à elle quand je regarde ma fille, et à son père aussi, elle tient ses traits que j'aime tant de ces deux personnes, qui font partie d'elle. C'est grâce à eux qu'elle est aussi jolie, et sans doute un peu grâce à nous qu'elle sourit autant.
Je pense qu'il ne faut pas trop se laisser emporter par ses sentiments, nous parents adoptifs, les parents biologiques ont "choisi" de couper le lien de filiation, dans une même situation dramatique (familiale, financière) certains vont malgré tout garder leur enfant. Je pense que ce n'est pas à nous de juger, ni négativement ni dans trop d'empathie. Ma fille a attendu sa nouvelle famille deux ans et demi, le lien était donc bien coupé. J'ai l'impression que si nous sommes trop bouleversés nous-même en parlant des parents biologiques de nos enfants, ce serait comme montrer un doute sur notre place entière de vrais parents (ce qui n'empêche pas qu'il y ait aussi des vrais parents biologiques). Ceux qui accompagnent les enfants au quotidien, qui ont un projet d'avenir pour eux, c'est nous les parents, nous nous sommes engagés et nous ne renoncerons jamais à notre rôle de parents (en tout cas ce devrait être le cas).
J'avais peur comme vous du dossier vide et de n'avoir aucune réponse à apporter à ma fille, et nous avons de la chance cela n'a pas été le cas. J'ai lu beaucoup de témoignages d'enfants adoptés, les retrouvailles, la réalité sont parfois loin de l'idéalisation de la détresse de la mère biologique, parfois il y a un second rejet, encore plus violent. Parfois les raisons de l'abandon peuvent se "comprendre", parfois c'est plus compliqué et objectivement il n'y en avait pas vraiment, elles n’appartiennent qu'à l'intime de la mère. Je pense à des grossesses non désirées, à des grossesses désirées mais pendant lesquelles le père a quitté la mère etc. Il arrive que dans une même situation une mère abandonne un enfant, mais pas le suivant par exemple, ou l'inverse. Évidemment je ne parle pas des cas dramatiques évoqués dans le film que vous avez vu, d'enlèvements d'enfants. Ce n'est pas à nous de décider quel motif est acceptable ou non, de pardonner ou non, comprendre ou non etc. Cela ne nous appartient pas, je le pense vraiment. Nous ne pouvons qu'accompagner au mieux nos enfants dans leur propre cheminement, en évitant le plus possible de les influencer par nos propres émotions vis-à-vis de leur famille biologique.
Qu'est-ce qui vous fait peur par rapport au dossier vide? De devoir dire à votre enfant "je ne sais pas"? Pour les enfants nés sous X , à un certain âge on peut leur expliquer qu'ils pourront plus tard faire des démarches pour avoir plus d’informations, sans que qu'ils soient sûr d'obtenir toutes les réponses à leurs questions pourtant.
Bonne continuation dans votre projet Julia.

[Papouase]

Merci pour cette réponse très complète et très sensée...
Ce qui me fait peur en effet, c'est de devoir dire: "je ne sais pas". Que l'enfant (ou l'ado) soit donc forcé de tout imaginer, idéaliser ou diaboliser, que ces pensées-là l'envahissent davantage car il n'a rien, plutôt que d'avoir quelques jalons précieux autour desquels il puisse imaginer ou comprendre ses origines.

Je crois que je nourris malgré moi une certaine culpabilité envers ces mamans biologiques qui n'ont pu faire autrement, qui me rend encore illégitime dans mon rôle d'adoptante. Je ne sais pas à quel point ce sentiment est à moment donné éprouvé par les adoptants. En tout cas, je sais que j'ai un petit travail à faire la-dessus; je ne poursuivrai pas cette route tant que cette forte empathie prendra le dessus sur mon désir d'être heureuse en tant que mère adoptante.
J'anticipe tout ce qui peut ne pas fonctionner un jour ou l'autre, c'est mon défaut dans ce parcours:cela vous-est-il arrivé? Je suis pourtant quelqu'un de confiant! Mon conjoint est beaucoup plus raisonné. Moi, je doute encore. Nous en parlons, c'est important!
Merci encore pour votre belle réponse,

julia

[chriss 77]

bonsoir ,
je rebondis sur la legimité en tant que parent adoptant et ça me rassure beaucoup de voir que je ne suis pas seule , c'est peut etre necessaire dans le cheminement , je n'ai pas assez avancer certainement pour pouvoir le dire mais c'est peut etre parce qu'on nous demande de justifier notre projet de vie alors que la question ne se pose pas pour ceux qui deviennent parents naturellement ....difficile d'orienter nos pensées dans la bonne direction dans un premier temps je crois .....quelqu'un a t il une idée de ce qui doit se murir en priorité dans nos choix .....y'a t ils des parents qui ont une ame de guide sur ce forum parce que je prend tous les appuis possibles

[Patricia01]

Je n'ai pas une âme de guide... et ce ne serait pas possible, on est tous différents (et vu toutes les erreurs que je fais, vaudrait mieux ne pas me suivre !)

Je rebondis juste sur la question du dossier vide. Celui de ma grande est vide, celui de la petit l'est quasiment. Enfants trouvées. Mais même ainsi, le dossier n'est pas réellement vide : il y a le nom de ceux qui l'ont trouvé, l'endroit où elle a été trouvée, le descriptif de ses vêtements, les démarches entreprises pour tenter de retrouver ses parents de naissance (appel à la radio par ex), l'endroit où elle a été confiée dans un premier temps (une nourrice), puis le centre d'accueil, l'orphelinat, le nom des personnes qui l'ont pris en charge.

J'avais peur du vide, moi aussi, mais finalement il y a quand même des choses. Alors oui, quand ma grande m'a dit un jour qu'elle aimerait revoir sa maman d'Ethiopie, j'ai dû lui expliquer que ça ne serait sans doute pas possible car on ne connaît pas son nom et son adresse, et ça lui a fait de la peine... mais on a embrayé sur les nounous qui se sont occupées d'elle et qu'elle pourrait revoir, et ça lui a fait du bien. Pour le moment. Ca ne suffira pas éternellement c'est sûr... Quand aux explications sur le pourquoi de l'abandon, je pense qu'o, lui donnera, si la question la taraude un jour, plein d'explications plausibles et possible et que quelque part, inconsciemment, elle s'en appropriera sans doute une. Qui ne sera pas la vérité mais qui l'aidera à imaginer une cause.
Et donc... je n'ai plus peur du vide !!

[Papouase]

Oui, c'est vrai Patricia, il y a des choses, heureusement. Dans un livre de Chicoine sur l'adoption, j'ai lu qu'il est bien d'avoir une sorte de " boîte à origines", accessible à l'enfant, pleine de ce qui peut l'aider à reconstruire de manière concrète cette période d'avant l'adoption: des photos, ses vêtements de nourrisson, des papiers officiels, et ce qu'aura pu laisser la mère de naissance... Un dossier vide me fait peur, mais quand je lis que certaines femmes sont presques forcées aujourd'hui de laisser un nom, quelque chose dans le dossier de leur enfant ne sous X au nom du droit précieux de l'enfant d'acceder a ses origines, je me dis qu'il faut aussi penser à leur volonté, et que le secret et l'anonymat est un droit, même s'il est de plus en plus controversé. Quand avez vous parle de l'adoption avec vos enfants? Très tôt? j'essaie de m'imaginer à quel âge un enfant peut être réceptif à son histoire, racontée simplement d'abord... Ce doit être un moment émouvant et délicat à la fois. j'aimerais entendre ou lire quelques témoignages à ce sujet. C'est fou à quel point le cheminement vers cette filiation est riche en interrogations, on aimerait être prêt et avoir pense à tout- moi qui suis si spontanée, voire maladroite parfois, m'en sortirai-je? Merci en tout cas pour vos réponses, elles sont précieuses pour nous Julia

[LaureXavier]

Je pense encore très souvent a la mère de naissance de notre fils, peut être aussi parce que son adoption est récente (moins d'un an). Pour autant je n'ai pas l'impression de l'avoir adoptée. J'accepte l'idée qu'elle fasse partie de l'histoire de mon enfant et je sais qu'on lui en parlera mais c'est tout. Je pense comme gagatte que nous ne sommes pas la pour montrer trop d'empathie envers les parents biologique.
Notre enfant est encore un bebe qui ne pose pas de question donc je ne saurais pas t'éclairer sur la façon d'aborder le sujet etc mais j'aime beaucoup l'idée de la boite a origine. Je vais d'ailleurs commencer a en constituer une. Je pense y mettre le petit pyjama qu'il portait en arrivant a la maison, sa tetine, les premières photos que nous avons eu de lui. Je trouve que c'est une bonne façons de montrer ce qu'on sait du début de son histoire. Il pourra y accéder quand il veut et en parler quand il le souhaite mais pourvoir entendu des témoignages d'adultes qui ont été adoptes, tous disaient qu'ils n'ont pas dessin d'en parler souvent. Donc on verra au fil des questions. On en peut pas prédire de l'avenir ni du caractère de son enfant, donc pas la peine de faire des plans sur la comète ! Et comme l'ont dit certaines le dossier n'est jamais complètement vide, il y a toujours qqc a raconter.

Par contre je ne ressens pas de culpabilité. Notre histoire avec notre enfant a commence après que celle avec sa mère biologique soit terminée, notre place dans sa vie me semble légitime puisque nous avons été choisi pour porter le rôle de parents pour cet enfant, dans notre cas c'est même la mère biologique nous a choisit puisque ça se fait ainsi aux Etat-Unis. Mais je pense que je ressentirai la même chose si on avait adopte un pupille français, après avoir passe l'agrément et été choisi suite a une longue attente et parmi une pile de dossiers, si on ne sens pas légitime c'est peut-être qu'on n'est pas prêt ?

[Papouase]

Merci Laure,

Ah ça c'est sûr qu'avant même de demander l'agrément je ne sais pas si on peut dire qu'on est prêt! Il nous faut beaucoup de temps pour réflechir, parler, échanger avant, car ce type de filiation est tout de même une vraie particularité: faut quand même pas se lancer là dedans à corps perdu! Nous lisons en ce moment un livre très intéressant d'un pédiatre spécialiste de l'adoption, il ne conseille que cela aux futurs parents: du temps. Et ca marche: on progresse, on apprend beaucoup, on fait évoluer notre pensée sur ce qu'est vraiment l'adoption...

[chriss 77]

bonsoir ,
je suis preneuse des references du livre si c'est possible , je crois qu'il est necessaire de s'appuyer sur certains elements et autant le faire avec un ouvrage que quelqu'un trouve interessant .....merci d'avance

[Papouase]

Il s'agit de "Destins de l'adoption" de P. Levy-Soussan, que nous lisons en ce moment...Nous le trouvons juste et lucide, dans la mesure où il dit et démontre, de par sa longue expérience de pédopsychiatre auprès d'enfants adoptés, que l'adoption est un risque et pas une merveilleuse histoire. Un risque qu'il faut prendre en étant... prévenu, simplement (Il fait bien la distinction entre prédiction et prévention. Il n'annonce pas un avenir sombre mais indique qu'il faut s'en prévenir, et que c'est très faisable)
J'aimerais savoir ce qu'en pensent les gens qui l'ont lu!


Julia